Péripéties syndicales : La porte de la DDA (Par Jean-Paul Pelras)

C’était devenu une évidence, une habitude, pour ne pas dire un rituel. En 1999 et alors que la campagne d’été en fruits et légumes tutoyait des records de méventes adossés à une dégringolade des cours tout autant historique que cataclysmique, nous nous rendions régulièrement dans les locaux de la Direction départementale de l’agriculture, plus communément appelée DDA. Un organisme qui était hébergé, avenue de Grande Bretagne à Perpignan, sur deux étages dans les locaux de la Chambre d’agriculture. Ce qui était assez pratique car, en nous rendant au sixième ou au septième afin d’obtenir un rendez-vous avec un élu ou un technicien de l’établissement consulaire et en passant par l’étage syndical, au CDJA ou à la FDSEA, nous pouvions bifurquer vers cette administration alors exclusivement dédiée à l’agriculture et à la forêt. Et ce, avant qu’elle ne migre rue Richepin et qu’elle soit rebaptisée DDTM, ses anciens locaux étant désormais occupés par des employés du Ministère de l’Intérieur.

Il y eut, cet été-là et avant son épilogue en date du 29 septembre qui envoya Christian Soler en prison pour 51 jours, deux comptages concernant le nombre de manifestations. J’en été resté à 31 pour deux mois alors que le représentant de l’Etat de faction cette année-là en dénombrait 10 de plus.  N’étant pas de nature à chipoter, nous accorderons aux pouvoirs publics l’exactitude du décompte. Et nous reviendrons donc dans les locaux de cette DDA où, lorsque nous n’avions pas d’autres adresses à visiter, nous nous rendions afin de livrer une infime partie de ce qui ne se vendait pas.  A tel point qu’au bout de quelques semaines, ni le mobilier, ni la moquette n’était plus remplacée, le jus que laissaient tomates, concombres, pêches, nectarines, abricots et autres déjections de bestiaux nécessitant un assainissement plus approfondi.

Cette administration étant tout naturellement désignée pour recueillir nos revendications, enregistrer nos doléances et servir de courrier de transmission avec l’Etat, en l’absence de politiques dignes de ce nom et incapables de nous obtenir un rendez-vous avec un ministre ou l’un de ses subordonnés rue de Varennes ou à Matignon c’est, bien évidement ici que nous nous retrouvions chaque semaine.  Au grand désespoir d’un directeur et de son personnel de toute évidence agacés par la méthode et dépassés par la situation. Agacé l’était également le président de l’établissement consulaire, lui-même bien sûr agriculteur, car bailleur du site et tenu de remettre en état les éventuelles dégradations.

Un jour parmi tant d’autres où, et nous pouvons le comprendre, la serrure de la porte du « DDA » avait été remplacée, il fallut, après avoir poliment sollicité le rendez vous en toquant à côté de la poignée, se résoudre, non sans émotion, retenue, modération et bonnes manières, à donner le coup d’épaule prompt à faire sauter verrous, gonds et charnières. Lucien, taillé pour officier, se proposa alors modestement. Le président de la Chambre, par principe et certainement résigné, s’opposa au mouvement. L’agriculteur sans plus attendre s’exécuta, il faut bien le dire moins contrarié que déterminé. Fataliste, le DDA qui nous attendait assis derrière son bureau nous adressa un « bonjour messieurs » de circonstance. Et Lucien, une fois le boulot achevé, se tourna vers le président de l’établissement consulaire pour lui lancer spontanément « Ara digue-me quant et dec per la porta ». Comprenez « Maintenant dis mois ce que je te dois pour la porte. »  Evidemment la facture ne fut jamais ni adressée, ni acquittée.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *